Douze ans après l'ouverture de la Porte des ténèbres
C'était la nuit, la jungle, dans la chaleur infernale des soirs d'été, sous un air trop lourd et trop humide. Vint un hurlement, un râle comme on entendît jamais, le cri d'une femme, si terrible et si strident qu'il fit taire les animaux de Strangleronce. Un enfant venait au monde dans ce campement pittoresque dont les palissades de bois étaient ornées par la bannière de Hurlevent. Dans l'enceinte, une tente semblait être l'objet de toutes les attentions ; les hommes d'armes étaient rassemblés alentour et l'on y portait de l'eau ainsi que des linges.
« Comment va-t-elle ? » murmura l'un des troupiers, l'air interdit, la sueur au front.
— « Les choses ne se passent pas comme il faut ! » répondit un autre tandis qu'il charriait quelque tissu rougi par le sang.
Effectivement, rien n'allait plus dans la salle de travail, si tant est que l'on puisse appeler ça une salle ; il s'agissait davantage d'un abri de fortune à l'intérieur duquel la souffrance ainsi que les larmes semblaient trouver un aimable refuge. Un ultime cri, immonde, moribond, pareil à ceux que l'on pousse avant de rendre l'âme. Cette fois ce furent les soldats qui ne firent plus le moindre bruit ; du sang, encore ; puis le silence fut brisé par les pleurs d'un petit garçon.